Συνέντευξη της Ρένας Δούρου στο γαλλική ηλεκτρονική εφημερίδα Bakchich Info, 5 Νοεμβρίου 2012
Le journaliste d’investigation Kostas Vaxevanis poursuivi pour avoir dévoilé la « liste Lagarde » a été acquitté jeudi 1er novembre après une journée de procès. L’affaire relance le débat sur la corruption dans le pays et l’état de la liberté de la presse.
« En tant que citoyens, nous devons tous nous réjouir de cette décision qui intervient dans un contexte extrêmement défavorable à la liberté de la presse et d’expression en Grèce ». C’est en ces termes que Rena Dourou, députée membre de la coalition de gauche radicale Syriza et soutien de K. Vaxevanis, s’exprime sur l’acquittement du journaliste.
Le 28 octobre, l’arrestation du rédacteur en chef de la revue d’investigation Hot Doc et de l’émission « La boîte de Pandore » pour violation de la loi sur la protection des données personnelles a de nouveau placé la question de la corruption et de la liberté d’expression au centre des préoccupations en Grèce. Au cœur de l’affaire, une liste de 2059 détenteurs de comptes en Suisse, assimilée à la « liste Lagarde », transmis à l’équipe de Hot Doc par lettre anonyme, et rendue publique le 27 octobre dans les pages du magazine. Parmi les noms, des industriels, des armateurs, des médecins, des hommes politiques, des patrons de presse, des architectes, des « sociétés domiciliées ». La parution de la liste est immédiatement suivie du lancement d’un mandat d’arrêt contre le journaliste.
A l’origine, la « liste Lagarde » incluant les noms de détenteurs grecs de comptes en Suisse avait été transmise en 2010 à l’ancienne ministre française des Finances par l’intermédiaire d’ Hervé Falciani, ancien employé d’HSBC Suisse qui avait subtilisé le document en 2008. La Ministre avait alors fait passer le document à plusieurs de ses homologues européens dont l’ancien ministre des finances grec Georges Papacostantinou dans le cadre de la lutte contre la corruption. Ce dernier a affirmé avoir ensuite remis le document à la SDOE, l’unité de lutte contre la criminalité financière alors dirigée par Yiannis Diotis et Yiannis Kapeleris.
Chrono (logie)
En septembre 2012, face à la colère grandissante des grecs assommés par les mesures de restriction budgétaire, le gouvernement d’Antonis Samaras tente de montrer qu’il s’attaque à la corruption rampante et aux problèmes de fraude dans le pays. Le ministre des finances Yiannis Stournaras annonce le 20 septembre que la SDOE enquête sur 32 personnalités politiques et hauts fonctionnaires grecs soupçonnés de fraude.
Trois jours plus tard, le site grec Real News révèle l’implication de 3 personnalités politiques dans une opération de blanchiment de 10,2 milliards d’euros issus de subventions de l’Etat à travers une société immobilière. Trois membres du parti de droite Nea dimokratia actuellement au majoritaire au parlement sont en cause : le Président du parlement Evangelos Meimarakis, l’ancien ministre des transports et de la communication Mihalis Liapis et l’ancien ministre de l’ordre public Georges Voulgarakis, tous deux membres du gouvernement de 2004 à 2007. Le mécontentement de la population enfle.
Le 28 Septembre, les noms des 32 personnalités sont révélés par la presse. Parmi eux, Panos Kammenos, le leader du parti des « Grecs Indépendants », Nikitas Kaklamanis, un ancien maire d’Athènes, Mihalis Karchimakis, ancien député socialiste ou encore Yannos Papantoniou, un ancien ministre des finances. L’affaire des listes tourne au drame lorsque Leonidas Tzanis, ancien ministre et député socialiste et Vlassis Kambouroglou, homme d’affaires grecs travaillant dans le domaine de l’armement et mis en cause pour blanchiment d’argent dans l’affaire Akis Tsohatzopoulos, sont retrouvés morts les 4 et 8 octobre. Suicides, concluent les enquêteurs.
Liste volée, argument clé pour ne pas bouger
Quant à la liste des quelques 2000 détenteurs de comptes en Suisse, personne ne semble alors savoir où elle se trouve. Y. Stournaras, l’actuel ministre des finances annonce le 30 Septembre ne jamais avoir été en sa possession contrairement à ses prédécesseurs et fait de sa recouvrance « une priorité ». Embarrassée, la direction de la SDOE déclare n’en avoir aucune trace malgré les déclarations de G. Papacostantinou. Devant la commission parlementaire pour la transparence, chacun affirme d’abord l’avoir « perdue » ou « oubliée ». Jusqu’à ce que l’ancien ministre des finances et actuel président du PASOK Evangelos Venizelos la « retrouve », la transmette au premier ministre A. Samaras, à la SDOE et aux procureurs en charge des affaires financières qui examinent le dossier.
Le bal des innocents commence et chacun se renvoie alors la responsabilité de l’inaction. E. Venizelos affirme ne pas avoir utilisé la liste lorsqu’il était ministre par crainte que le document ne soit pas exploitable en justice, la liste ayant à l’origine été l’objet d’un vol.
G. Papacostantinou assure l’avoir transmise à la SDOE mais ses deux anciens dirigeants avancent des versions sensiblement différentes.
Y. Kapeleris déclare n’avoir jamais reçu la liste entière. L’ancien ministre des finances lui aurait demandé d’examiner « le profil » de dix noms bien précis mais pas d’enquêter sur l’état de leurs finances…
Selon encore une autre version G. Papacostantinou n’aurait effectivement transmis « de manière informelle » que 10 noms de la liste à la SDOE à l’été 2011 par manque de confiance en la fiabilité de l’agence.
Y. Diotis quant à lui a affirmé ne jamais avoir utilisé la liste, pensant qu’elle était inexploitable en justice en tant que « produit d’un acte délictueux, obtenue avec l’aide des services secrets ».
15% du PIB s’évade
Décidément, l’argument a du succès. Il est cependant rapidement démonté par Grigoris Peponis, le procureur en charge des dossier fiscaux, qui dans la foulée rappelle que la liste a été transmise à G. Papacostantinou dans le cadre de ses fonctions officielles par une homologue exerçant les mêmes responsabilités. A ce titre, il conclut que l’usage de la liste à des fins d’enquête financière est bel et bien légal.
En fin de compte, alors que plusieurs enquêtes ont été lancées en France, en Allemagne et au Royaume-Uni sur les personnes mentionnées soupçonnées d’évasion fiscale et blanchiment, le document n’aura donc fait l’objet d’aucune utilisation en Grèce pendant près de 3 ans. Selon une étude américaine, la fraude fiscale couterait chaque année environ 30 milliards d’euros à la Grèce, soit 15% du PIB.
Reste que le doute plane sur l’identité des personnes qui ont été réellement en possession de la liste et il est probable que ses nombreux va-et-vient aient donné lieu à des modifications avant d’atterrir dans les pages de Hot Doc. « Suite à une demande de la SDOE, Yiannis Stournaras a demandé à son homologue français, Pierre Moscovici de lui fournir une copie de la liste originale » explique R. Dourou. Elle devra ensuite être examinée et les différentes versions seront soumises à comparaison sous le contrôle de G. Peponis. Patience donc.
Liberté d’expression et données personnelles
Mais la tournure prise par les événement liés à l’affaire de la liste Lagarde la semaine dernière avec l’arrestation de K. Vaxevanis a également mis à jour un autre scandale en Grèce : celui des pressions grandissantes exercées par le pouvoir politique sur les media.
Plusieurs autres cas ont récemment révélées les fortes pressions exercées par le pouvoir politique sur les media grecs. Il y a deux semaines, le ministre de l’ordre public Nikos Dendias a annoncé qu’il engagerait des poursuites contre le quotidien The Guardian pour avoir publié « sans preuve » les témoignages de 15 manifestants antiracistes arrêtés le 30 Septembre et affirmant avoir subi des actes de torture de la part des policiers lors de leur garde à vue dans les locaux de la direction générale de la police de l’Attique.
Eva Cosse de HRW rappelle que « le Guardian a pourtant présenté les certificats médicaux fournis par les médecins qui ont examinés les 15 manifestants arrêtés ».
L’émission matinale de Kostas Arvanitis et Marilena Kasimi de la chaine de télévision nationale NET a pourtant été suspendu le 29 Octobre après que les deux journalistes ont posé à l’antenne la question de la démission de N. Dendias.
Licenciement en série dans la presse
Dans son ordre de licenciement, Aimilios Liatsos – le directeur général de la chaine dont la nomination par le parti de droite ND actuellement au pouvoir avait déjà suscité la controverse il y a quelques mois – avait alors déclaré que les propos des deux journalistes violaient « les standards minimum de l’éthique journalistique ».
Le 26 octobre, une journaliste de la chaine nationale ET3 a également été renvoyée pour avoir rapporté une « forte présence policière » aux abords de l’église Agios Dimitris à Thessalonique lors de la célébration de la libération de la ville. Le même jour, un internaute a également fait l’objet d’une arrestation pour avoir diffusé sur sa page Facebook des photographies de policiers grec en compagnie de membres du parti néo nazi Aube Dorée à Corfu.
Motif : violation de données personnelles et fausses allégations pouvant nuire à l’image du pays. Décidément, cet argument aussi a du succès. « C’est au regard de l’ensemble de ce contexte qu’on prend toute la mesure de la décision d’acquitter Kostas Vaxevanis » conclut R. Dourou.
Ces affaires ont toutes un point commun, l’invocation répétée de la loi sur la protection des données personnelles dont l’issue de l’affaire Vaxevanis a démontré l’utilisation parfois abusive et biaisée.
Dans un communiqué publié le jour de l’arrestation de K. Vaxevanis, l’Association du Barreau d’Athènes s’exprime en ces termes : « La garantie de la protection des données personnelles doit être pleinement assurée afin de protéger les citoyens contre toute discrimination ou nuisance pouvant être provoqué par la collecte, l’utilisation ou le traitement d’informations personnelles à caractère sensible. Toutefois, l’usage d’une telle protection dans le but d’éviter la répression pénale des infractions relatives à la vie publique et économique qui relèvent de la loi sur la criminalité économique dans une société démocratique est inacceptable »
Omerta d’Etat
Un argumentaire repris par R. Dourou en faveur de la cause de K. Vaxevanis. « Sur cette affaire, il y a une grande hypocrisie : on accuse le journaliste d’avoir violé la loi en publiant une liste que deux ministres des finances, interrogés par la commission parlementaire pour les institutions et la transparence ont déclaré l’avoir oubliée ou perdue! Et c’est le journaliste qui se trouve accusé de violation de la loi! »
Dans l’examen du délit, le non respect du principe de proportionnalité a également été souligné.
« Même dans le cas où une violation des données personnelles aurait été constatée, une simple procédure administrative aurait suffit. Le lancement d’un mandat d’arrêt contre Kostas Vxsevanis immédiatement après la publication de la liste est le signe que cette liste est un dossier sensible et qu’un climat peu favorable à la liberté de la presse s’installe en Grèce », explique un représentant de Reporters sans Frontières.
A plusieurs reprises K. Vaxevanis et ses défenseurs ont également souligné le deux poids deux mesures dont fait l’objet cette loi dans son interprétation. Lors de son arrestation, K. Vaxevanis a rappelé que le procureur d’Athènes n’avait pas pris en compte les garanties prévues par cette loi lorsqu’il avait autorisé la publication et diffusion sur toutes les chaines de télévision nationales des données personnelles de prostituées séropositives en invoquant des raisons d’intérêt collectif. De même, la publication par le journal Ta Nea il y a quelques semaines d’une liste de 120 artistes déclarant au fisc des sommes inférieurs à celles qu’ils gagnent n’a fait l’objet d’aucune poursuite. La liste était pourtant cette fois accompagné des revenus des personnes, ce qui n’était pas le cas pour la liste publiée par Hot Doc. Drôle de hic.
ΠΗΓΗ: http://www.bakchich.info/international/2012/11/04/kostas-vaxevanis-la-liste-lagarde-et-les-deboires-de-la-grece-61903